Un projet d’exposition de Carolina Zaccaro
Artistes invitées : Pauline Julier . Apolline Lamoril .
in.plano artist run-space
29.04.22 - 03.05.22
Home is where we start from. As we grow older
The world becomes stranger, the pattern more complicated
Of dead and living. Not the intense moment
Isolated, with no before and after,
But a lifetime burning in every moment.
T.S. Eliot « East Cocker » Four Quartets
Dans le poème « East Cocker » (1940) T.S. Eliot livre une réflexion sur le pouvoir catalysateur du temps, dont notre perception évolue au fils des âges. Le présent éternel de la mémoire, ainsi qu’une série d’expériences circonscrites à des instants précis : There is a time for the evening under starlight, / A time for the evening under lamplight / (The evening with the photograph album)..L’adoption d’une vision circulaire, à traits encyclopédique, permet de condenser et répertorier différentes couches d’appréhension du réel. Nous imaginons défiler une suite d’images, paroles, sons et formes qui s’entremêlent tout en activant des narrations fragmentaires. L’écoulement de ces associations libres semble mimer les fluctuations cycliques de la vie, mais il trouve aussi des applications transformatrices, notamment à travers les stratégies de réappropriation adoptées par les artistes travaillant avec les documents d’archive. À quel moment choisissons-nous d’observer des images que nous n’avons pas fabriquées ? Pourquoi certaines de ces images nous hantent plus que d’autres ? Et dans quelle mesure notre regard serait-il capable de les transfigurer, de leur fabriquer un sens supplémentaire ?
Le projet d’exposition In my end is my beginning s’inscrit dans ces questionnements. Il est animé par le désir de faire dialoguer le travail d’Apolline Lamoril, Martine de Bandol, celui de Pauline Julier Cercate Ortensia et le mien, Der Taucher. Martine de Bandol est une installation, ainsi qu’une édition. En partant de la médiatisation d’un fait divers – la mort par overdose de la jeune Martine, en 1969, dans le casino de Bandol – Apolline Lamoril développe une investigation photographique et littéraire explorant la représentation de la jeunesse, de la mer méditerranéenne, du deuil. Cercate Ortensia est un court-métrage sur deux écrans. Inspiré par le poème La Libellula - Panegirico della libertà (Amelia Rosselli, 1958), ce montage alterne des images scientifiques, des archives issues des réseaux sociaux, du texte et de fragments de souvenirs filmés par l’artiste. Ces éléments rentrent en collision dans un flux qui résulte à la fois troublant et libérateur. Der Taucher (en cours) se compose d’images photographiques évoquant les marées. Ces images liquides, imprimé sur feutre, viennent absorbées par leur support.
Il y a dans l’ensemble de ces œuvres, me semble-t-il, des points de divergence et de convergence qu’il serait intéressant d’explorer. D’abord, l’hétérogénéité des mediums employés par les artistes, qui se prêtent à des modalités de fruition distinctes. Ensuite, la polarité des contenus présentés. Si Martine de Bandol traite de la narration d’une jeunesse exacerbée, Cercate Ortensia nous renvoie à l’image d’une vieillesse à l’épreuve de la mémoire. Si Cercate Ortensia nous précipite dans les feux et les braises des incendies californiens, Der Taucher nous trempe dans des eaux artificielles d’une plongée sans fin. Mais au-delà de ces disparités, ces œuvres témoignent d’une sensibilité commune. Les pratiques d’Apolline Lamoril et Pauline Julier, autant que la mienne, sont traversées par une réflexion qui puise ses racines dans l’univers de la littérature. Les narrations qui en suivent sont construites par la juxtaposition de matériaux divers, qu’ils soient issus d’archives ou de notre production. Bien que ces stratégies de réappropriation suivent des chemins péculiers, chacune de ces trois œuvres tisse le récit d’une perte susceptible de muer en prolifération d’images, textes, sons et objets. En parcourant ces chemins d’associations, ces déplacements de sens, les récits individuels et collectifs se superposent et s’alimentent entre eux. Tout commencement devient une fin et toute fin devient un commencement.
Carolina Zaccaro, février 2022
Un projet d’exposition de Carolina Zaccaro
Artistes invitées : Pauline Julier . Apolline Lamoril .
in.plano artist run-space
29.04.22 - 03.05.22
Home is where we start from. As we grow older
The world becomes stranger, the pattern more complicated
Of dead and living. Not the intense moment
Isolated, with no before and after,
But a lifetime burning in every moment.
T.S. Eliot « East Cocker » Four Quartets
Dans le poème « East Cocker » (1940) T.S. Eliot livre une réflexion sur le pouvoir catalysateur du temps, dont notre perception évolue au fils des âges. Le présent éternel de la mémoire, ainsi qu’une série d’expériences circonscrites à des instants précis : There is a time for the evening under starlight, / A time for the evening under lamplight / (The evening with the photograph album)..L’adoption d’une vision circulaire, à traits encyclopédique, permet de condenser et répertorier différentes couches d’appréhension du réel. Nous imaginons défiler une suite d’images, paroles, sons et formes qui s’entremêlent tout en activant des narrations fragmentaires. L’écoulement de ces associations libres semble mimer les fluctuations cycliques de la vie, mais il trouve aussi des applications transformatrices, notamment à travers les stratégies de réappropriation adoptées par les artistes travaillant avec les documents d’archive. À quel moment choisissons-nous d’observer des images que nous n’avons pas fabriquées ? Pourquoi certaines de ces images nous hantent plus que d’autres ? Et dans quelle mesure notre regard serait-il capable de les transfigurer, de leur fabriquer un sens supplémentaire ?
Le projet d’exposition In my end is my beginning s’inscrit dans ces questionnements. Il est animé par le désir de faire dialoguer le travail d’Apolline Lamoril, Martine de Bandol, celui de Pauline Julier Cercate Ortensia et le mien, Der Taucher. Martine de Bandol est une installation, ainsi qu’une édition. En partant de la médiatisation d’un fait divers – la mort par overdose de la jeune Martine, en 1969, dans le casino de Bandol – Apolline Lamoril développe une investigation photographique et littéraire explorant la représentation de la jeunesse, de la mer méditerranéenne, du deuil. Cercate Ortensia est un court-métrage sur deux écrans. Inspiré par le poème La Libellula - Panegirico della libertà (Amelia Rosselli, 1958), ce montage alterne des images scientifiques, des archives issues des réseaux sociaux, du texte et de fragments de souvenirs filmés par l’artiste. Ces éléments rentrent en collision dans un flux qui résulte à la fois troublant et libérateur. Der Taucher (en cours) se compose d’images photographiques évoquant les marées. Ces images liquides, imprimé sur feutre, viennent absorbées par leur support.
Il y a dans l’ensemble de ces œuvres, me semble-t-il, des points de divergence et de convergence qu’il serait intéressant d’explorer. D’abord, l’hétérogénéité des mediums employés par les artistes, qui se prêtent à des modalités de fruition distinctes. Ensuite, la polarité des contenus présentés. Si Martine de Bandol traite de la narration d’une jeunesse exacerbée, Cercate Ortensia nous renvoie à l’image d’une vieillesse à l’épreuve de la mémoire. Si Cercate Ortensia nous précipite dans les feux et les braises des incendies californiens, Der Taucher nous trempe dans des eaux artificielles d’une plongée sans fin. Mais au-delà de ces disparités, ces œuvres témoignent d’une sensibilité commune. Les pratiques d’Apolline Lamoril et Pauline Julier, autant que la mienne, sont traversées par une réflexion qui puise ses racines dans l’univers de la littérature. Les narrations qui en suivent sont construites par la juxtaposition de matériaux divers, qu’ils soient issus d’archives ou de notre production. Bien que ces stratégies de réappropriation suivent des chemins péculiers, chacune de ces trois œuvres tisse le récit d’une perte susceptible de muer en prolifération d’images, textes, sons et objets. En parcourant ces chemins d’associations, ces déplacements de sens, les récits individuels et collectifs se superposent et s’alimentent entre eux. Tout commencement devient une fin et toute fin devient un commencement.
Carolina Zaccaro, février 2022